Bruno Lazzari, un guide pour le Qi Gong

B. Lazzari Qi Gong posture serpent

LPdK : Pouvons nous revenir un instant sur l’origine de votre engagement dans la pratique du Qi Gong?

B. Lazzari : Tout d’abord il faut dire que les conditions particulièrement dures de mon enfance ont été le ferment de mon parcours. Cela ne s’est pas fait sans douleur, sans expériences fortes, sans blessures à soigner bien sûr, cela m’a aussi poussé à chercher très tôt des réponses au sens profond de l’existence, de la vie.
A l’âge de 14 ans, alors que je suis dans un internat pour cas sociaux, un animateur qui pratique l’auto hypnose et le yoga me prête des ouvrages de Lobsang Rampa et de yoga qui me passionnent et orientent mes premières expériences autodidactes de concentration, respiration et autres postures. La suite est plus personnelle, plus houleuse et je débute la boxe française à 17 ans avec Monsieur Berceau à Suresnes, puis le Muay Thay (boxe thaïlandaise) mais après quelques combats, je comprends que je ne suis pas le combattant que j’espérais devenir, mais continue cependant à m’entraîner régulièrement.
Je rencontre ensuite Monsieur Tony Dehas qui sera mon premier professeur de Kung Fu Wu Shu (je le remercie ici de la sincérité de son enseignement) et je démarre dans le même temps, aiguillonné par des problèmes de santé, une formation  de Do In, puis de naturopathie pendant 3 ans. J’abandonne la pratique des Arts Martiaux suite à d’importants problèmes de dos et continue à me former, à explorer et à me soigner ! Et je débute la pratique du Qi Gong.
J’enchaîne formation de Médecine Traditionnelle Chinoise, d’Aromathérapie, j’étudie différentes approches de soins énergétiques et entreprends une formation en rebirth afin de pacifier les traumatismes issus de mon enfance. L’heure est à l’expérimentation et la soif d’apprendre est très forte à cette époque (j’explore de nombreuses méthodes orientales et occidentales !!).
 Je continue ma recherche dans le Qi Gong auprès d’enseignants chinois et occidentaux et m’installe en tant que thérapeute énergéticien pendant 7 ans à Paris. Je reprends entre temps l’étude du Gong Fu Wu Shu de l’école Sao Lim (qui comprend un entraînement progressif et structuré de Qi Gong) avec Monsieur Frédéric Crésel qui devient un ami et avec lequel j’ai beaucoup échangé, cherché, pratiqué !
Cette période est très importante, je pratique très intensivement le Qi Gong et ma pratique commence à se dénuder de ses aspects décoratifs, l’écoute, la présence se révèlent au cœur même de la sensibilité corporelle, et ma pratique se réoriente.
Puis je rencontre Madame Ke Wen et participe à un voyage d’étude en Chine à la clinique nationale de Qi Gong de Bei dai He près de Beijing. Là bas, elle me propose d’enseigner le Qi Gong dans son association « les Temps du Corps » à Paris et à Nanterre, je laisse pour des raisons personnelles mon cabinet de soins énergétiques et me donne alors complètement à l’enseignement du Qi Gong. J’ai la chance, dans le contexte privilégié de mon travail, de rencontrer des enseignants chinois de grande qualité et de pouvoir échanger avec d’autres pratiquants et enseignants de Qi gong mais aussi d’autres disciplines.
Voilà, je continue à rechercher et à pratiquer bien sûr. Beaucoup de choses ont changé et se sont pacifiées depuis les débuts, l’enseignement du Qi Gong est mon métier pour l’instant et c’est un bonheur de partager la pratique.

 LPdK : Pouvez vous nous parler du Qi Gong et de sa pratique ?

 B. Lazzari : « Qi Gong » est un terme récent qui a été utilisé dans les années 50 en Chine pour désigner l’ensemble des méthodes énergétiques liées ou appliquées à la santé. Le terme de Qi gong est aujourd’hui un néologisme qui sert à désigner un ensemble de méthodes, d’approches, voire de recettes psycho corporelles, énergétiques, spirituelles issues de la tradition chinoise.
Très en vogue actuellement, le Qi Gong est surtout connu comme méthode permettant de se détendre, se relaxer et améliorer la santé. Anciennement c’était une voie pouvant conduire à la réalisation de sa propre nature. Si j’appuie là-dessus c’est parce que le Qi Gong ne se résume pas à un nouveau produit permettant d’être plus adapté à la vie moderne, une recette permettant d’obtenir de nouvelles ressources pour continuer à fonctionner comme nous le faisons c'est-à-dire sans remise en question. Une pratique régulière et correctement menée peut en effet amener à découvrir que nos comportements ne sont que luttes, stratégies allant à l’encontre ou fuyant l’intelligence profonde et innée du « Corps ». Cela ne veut pas dire que les approches centrées sur un résultat sont mauvaises, il est normal qu’une personne malade désire retrouver la santé, le bien être. Ce que je veux dire c’est que la pratique correcte et régulière du Qi Gong  laisse apparaître une orientation, une recherche plus profonde quelle que soit la motivation de départ.
Il peut être judicieux d’apporter quelques précisions sur la pratique du Qi Gong comme méthode prophylactique ou  thérapeutique. Même si la pratique en France, telle qu’elle est faite, est souvent anodine, il faut se rappeler que ce qui est efficace produit des effets et peut, mal employé, se révéler dangereux. C’est pourquoi je déconseille de pratiquer avec des livres, des vidéos, surtout en cas de problèmes de santé. La pratique (ou certaines pratiques) peut être contre indiquée selon certains cas et par là même aggraver les déséquilibres.

B. Lazzari posture 18 Luohans

A mon sens et aujourd’hui, un des premiers effets de la pratique régulière est de remettre en question les pré requis et les pré acquis intellectuels que nous avons sur elle.
 Le Qi Gong est dans ce sens un Art sacré qui passe par la sensibilité corporelle, organique et peut remettre fondamentalement en question l’image que l’on maintient de soi pour survivre comme élément isolé.
Ultimement, la pratique sert à dévoiler le pratiquant La pratique et le quotidien se rejoignent alors. Dans ce sens, pratiquer ne se réduit plus à un processus tendu vers un résultat mais un acte qui  se fond profondément dans la présence. La pratique est une célébration de l’instant, tout est conscience.

Bien entendu, chaque voie ou école propose ses propres processus qui, s’ils sont pratiqués correctement, ne se résument pas seulement à une accumulation de techniques, d’expériences, de résultats et de savoirs. Différentes modalités et orientations sont possibles, telles que l’amélioration de la santé ou l’ouverture de la sensibilité corporelle globale qui sont de véritables cadeaux vivants.
Plus directement, la pratique du Qi Gong permet entre autre, de remettre à sa place la sphère mentale émotionnelle de façon à ce que l’intelligence vitale innée puisse retrouver une libre expression, et cela selon des procédés précis, respectant l’individu.
La rencontre et l’acceptation du mouvement de vie en nous et ce qu’il peut révéler sont la base d’une pratique authentique et cela ne se réduit pas à faire ce que l’on voit comme on le veut, comme on le sent. La compréhension et l’exercice du « comment pratiquer » est indispensable sans que cela devienne un but. Sans cette étude la pratique et le contact avec soi-même restent souvent superficiels. Sans me faire juge, des éléments tels que le corps de Qi Gong ou corps de Dao Yin, qui reposent entre autre sur une façon d’ajuster le corps, sont souvent absents.
Or, la qualité de l’ajustement corporel est intimement liée à la qualité de l’écoute de la présence et fait partie des éléments importants spécifiques à nos pratiques.
Le respect et la compréhension du « comment pratiquer » permet alors d’ouvrir la pratique comme procédé de conduite vers la non conduite.(*)

(*) « Conduite vers la Non-Conduite » est l’expression utilisée par B. Lazzari pour traduire le terme « Dao Yin », littéralement « conduire et assouplir». Voir son site www.brunolazzari.com

LPdK : Pouvez vous nous parler du Qi ?

 B. Lazzari : Comme beaucoup de caractères chinois, « Qi » échappe à toute définition qui le figerait définitivement dans un concept, une image. Effectivement, le Qi est Un mais se manifeste sous des visages aussi différents qu’il y a de circonstances, de contextes. Le Qi est le souffle, la vitalité, le mouvement de la vie même. Dans les Arts sacrés du Qi Gong ou de la Médecine Traditionnelle Chinoise, on distinguera pourtant plusieurs sortes de Qi. Pour les besoins de l’étude et la pratique on fera tantôt référence à Yuan Qi (souffle ancestral), Wei Qi (énergie défensive), Tian Qi (énergie du ciel) ou bien encore au Qi de l’estomac, des reins ou plus globalement aux fonctions du Qi. On l’étudie aussi dans ses rapports d’interdépendance avec le Jing et le Shen.
Quand on parle du Qi d’un individu, on se réfère généralement à la quantité et à la qualité des souffles qui l’animent (énergie vitale). Cette énergie vitale dépend principalement (mais pas seulement) des facteurs héréditaires, de l’alimentation et de la respiration.
Pour le pratiquant de Qi Gong, le Qi est une expérience directe qui n’a aucune valeur conceptuelle en elle-même et n’existe que dans le temps présent, sous des modalités sans cesse changeantes et plus ou moins restrictives. Le Qi peut être ressenti sous forme fluidique, vibratoire, thermique, textures et en tant que souffle. La sensibilité est liée au Qi. Et cette sensibilité peut dépasser la simple satisfaction d’un ressenti personnel.

 NB : les passages en gras sont soulignés par l'auteur.


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